Expulsion : Puis-je rentrer dans mon appartement en cas d’absence du locataire mauvais payeur ?

Un bailleur peut-il changer lui-même les serrures de son immeuble après avoir évacué les meubles appartenant à son locataire ?

La réponse est NÉGATIVE.

En pratiquant de la sorte, il s’expose à de très sérieuses sanctions.

  • En effet, il commettra une faute civile pour laquelle son locataire pourrait demander soit une exécution en nature soit des dommages et intérêts pour rupture du contrat[1].
  • Il pourra s’agir aussi d’une violation de domicile punie par l’article 439 du Code pénal lequel précise :

« Sera puni d’un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de vingt-six euros à trois cents euros, celui qui, sans ordre de l’autorité et hors les cas où la loi le permet d’entrer dans le domaine des particuliers contre leur volonté, se sera introduit dans une maison, un appartement, une chambre ou un logement habités par autrui, ou leurs dépendances, soit à l’aide de menaces ou de violences contre les personnes, soit au moyen d’effraction, d’escalade ou de fausses clefs ».

Les conditions de l’infraction nécessitent que la violation de domicile soit, comme le précise l’article 439 du Code Pénal, accompagnée « de menaces ou de violences contre les personnes ou effractions, d’escapades ou de fausses clefs ».

La Cour d’appel a assimilé à de fausses clefs par le prévenu, la véritable clé du bien qui était en sa possession.

La Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour « qu’entrant dans l’appartement ou la maison contre la volonté de son occupant, le prévenu usa de manière illicite de la clef en sa possession (…) de la sorte, l’arrêt justifie légalement sa décision qu’au moyen d’une fausse clef, le demandeur a violé le domicile de la défenderesse[2].

« L’application de cette jurisprudence au bailleur nous paraît devoir avoir pour conséquence que celui-ci ne peut pénétrer dans les lieux en cas d’opposition du preneur, quand bien même il utiliserait pour ce faire les clefs qu’il détient licitement[3].

Le loi va pour autant pouvoir accorder certains droits au bailleur notamment celui de rentrer dans les lieux pour vérifier le bon entretien des lieux, ou en vue d’organiser des visites pour la vente ou la remise en location ou d’exécuter des travaux moyennant le respect de son obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose durant la durée du bail comme le prévoit l’article 1719, 3° du Code Civil.

Cette matière doit être traitée avec beaucoup de précaution eu égard aux conséquences civiles et pénales qui pourraient résulter d’un traitement inapproprié.

Il convient dès lors dans le cas où vous souhaitez faire procéder à l’expulsion de votre locataire qui ne vous paie plus les loyers d’obtenir un titre auprès de la justice de paix et de le faire exécuter par l’Huissier de Justice (L’expulsion Mode d’emploi) .

[1] D. MEULEMANS (dir), Manuel Permanent des Baux à loyer et Commerciaux, Story Publishers, 2016.

[2] Cass (2ème chambre), 15 octobre 1986, Pas. 1987 (I, P 173).

[3] N. BERNARD, Expulsions de logement, sans-abrisme et relogement, Dossiers du JT, n° 77, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 40